Flexibilité, attractivité, sécurité… Les attentes du marché du travail évoluent, et les formes d’emploi aussi. Face à la difficulté de recruter, aux pics d’activité imprévisibles ou encore à l’absentéisme croissant, de nombreuses entreprises se tournent aujourd’hui vers des contrats hybrides, à mi-chemin entre précarité et stabilité. En tête : le CDI intérimaire et le CDD multi-remplacements. Ces dispositifs, longtemps considérés comme marginaux, redessinent progressivement les contours du contrat de travail classique.
Des solutions pensées pour la flexibilité… mais encadrées
🔹 Le CDI intérimaire : un contrat à durée indéterminée, mais en mission
Instauré en 2014 puis renforcé par les ordonnances Macron de 2017, le CDI intérimaire (CDII) est conclu entre un salarié et une agence d’intérim, qui devient son employeur permanent. Le salarié enchaîne ensuite différentes missions dans des entreprises clientes, tout en étant rémunéré même en période d’intermission.
En 2024, près de 60 000 CDI intérimaires étaient en cours en France, selon Prism’emploi — un chiffre en constante hausse depuis la crise sanitaire.
Avantages pour l’employeur :
- Souplesse dans la gestion des besoins de main-d’œuvre.
- Pas d’obligation d’embauche directe.
- Fidélisation des intérimaires expérimentés.
Avantages pour le salarié :
- Accès à un contrat stable, avec protection sociale complète.
- Rémunération continue.
- Opportunités de formation et d’évolution.
🔹 Le CDD multi-remplacements : plusieurs absents, un seul contrat
Expérimenté à partir de 2019 dans certains secteurs comme la santé ou l’agriculture, puis étendu progressivement, le CDD multi-remplacements autorise un même salarié à remplacer plusieurs personnes absentes, dans un seul et unique contrat de travail. Initialement prévu jusqu’à fin 2024, ce dispositif pourrait être pérennisé en 2025, sous certaines conditions.
Objectif : simplifier les démarches et éviter l’enchaînement de CDD courts, souvent contraignants pour les employeurs comme pour les salariés.
Avantages :
- Moins de paperasse pour les RH.
- Davantage de visibilité pour les remplaçants.
- Meilleure continuité de service, notamment dans les PME ou collectivités.
Pourquoi ces contrats séduisent les entreprises ?
Le marché du travail post-Covid est marqué par trois grandes tendances :
- Une pénurie de talents, dans de nombreux secteurs (industrie, logistique, santé, restauration…).
- Des pics d’activité de plus en plus imprévisibles, qui nécessitent de la réactivité.
- Des attentes nouvelles côté salarié, en quête de sécurité mais aussi de diversité dans les missions.
Ces contrats offrent ainsi une réponse souple mais encadrée. Ils évitent le recours excessif aux CDD courts ou au travail dissimulé, tout en offrant un cadre légal et protecteur.
Des dispositifs encore en débat
Malgré leurs avantages, ces nouvelles formes de contrats ne font pas l’unanimité.
- Certains syndicats craignent une « CDI-isation de la précarité », avec des missions parfois très courtes malgré la stabilité apparente.
- D’autres pointent le risque de confusion juridique sur les droits réels des salariés en intermission ou en multi-remplacement.
- Les PME, de leur côté, demandent un accès facilité à ces dispositifs, parfois trop complexes administrativement.
Vers une refonte en profondeur du contrat de travail ?
La montée en puissance du CDI intérimaire et du CDD multi-remplacements s’inscrit dans une tendance plus large : le contrat de travail devient plus souple, plus modulaire, et potentiellement plus négocié.
Le ministère du Travail travaille actuellement à un livre blanc sur les nouvelles formes d’emploi, attendu pour l’automne 2025. Il pourrait ouvrir la voie à :
- Une généralisation de certains dispositifs expérimentaux.
- Une clarification des droits en intermission ou entre deux remplacements.
- Un encadrement renforcé des usages pour éviter les abus.
Ce que doivent retenir les RH et recruteurs
👉 Ces nouvelles formes de contrat ne sont plus des exceptions, mais des leviers stratégiques, à utiliser intelligemment.
👉 Elles permettent de sécuriser des profils pénuriques, tout en restant réactifs aux aléas de l’activité.
👉 Elles nécessitent une bonne maîtrise réglementaire, mais offrent un potentiel de fidélisation inédit.
En conclusion : vers un droit du travail plus agile ?
Dans un monde où l’emploi évolue plus vite que les textes, les entreprises comme les salariés cherchent un juste équilibre entre sécurité et liberté. Le CDI intérimaire et le CDD multi-remplacements pourraient bien n’être que les premières briques d’un droit du travail repensé pour les décennies à venir.